chapitre troisième
Chapitre 3 : Où l’on découvrira un étrange bâtiment
Si le lecteur ne s’est jamais rendu à la très célèbre bibliothèque du duc de C…, nous nous verrons obligés de vous livrer la description de l’aspect qu’elle empruntait à l’époque de cette histoire.
Aujourd’hui, le duc de C… a pris sa retraite et occupe désormais toute l’année son somptueux palais vénitien, dont nous pensons que le lecteur a déjà entendu parler. Mais, en ce temps là, il n’avait pas encore cédé la gestion de sa bibliothèque à sont héritier direct. Au contraire, il veillait sur ses livres comme Harpagon sur sa cassette d’or.
Figurez-vous, cher lecteur, une pièce sombre, vaste et feutrée, pleine de rayonnages resserrés et de minuscules tables de consultation…Dès l’entrée, le visiteur butait sur l’imposant bureau du propriétaire, qui occupait (le bureau, pas le duc) un très large espace et qui permettait de surveiller toute la Médiathèque
Le propriétaire de ce trésor d’érudition, le duc de C…, pouvait alors avoir au moins une cinquantaine d’années. C’était un homme trapu et rougeaud, aux cheveux gris pommelés, dont la physionomie, malgré ses manières rudes, respirait toutefois la finesse et la distinction. Il n’avait que deux seules manies : c’était de vouloir que dans sa Médiathèque régnât un silence parfait, et d’interdire l’accès de la Réserve. Nul
Mais le jeune Florentin n’y songeait même pas en pénétrant dans ce lieu du savoir, tout à la pensée de la belle dame dont il allait, nous le rappelons, recevoir trois épreuves qui lui montreraient toute la force de son amour.
Il était vêtu ce jour-là d’un pantalon noir et d’une chemise blanche qui faisaient valoir la minceur de sa taille. Cette tenue simple et sobre montrait cependant toute l’élégance naturelle de celui qui la portait.
Il trouva Emeline assise sur l’un des moelleux fauteuils jaunes du département des revues illustrée et s’installa en face d’elle, tout frétillant d’impatience.
Emeline releva la tête, car elle s’était penchée sur un magazine, alla le remettre avec milles précautions sur son rayonnage et s’assit de nouveau face au jeune homme.
- Je lui ai parlé…
- Sait-elle ? murmura Florentin d’une voix mourante.
- Oui. Et pour vous elle a décidé, comme vous le savez, de trois épreuves afin de sonder votre caractère. L’une éprouvera votre courage, l’une votre tact et votre intelligence, et la dernière seulement votre bonté.
- Quelles sont-elles ? Oh, par pitié, dites-le moi ! dit vivement Florentin, mais sans trop hausser le ton, à cause du duc qui lorgnait de leur côté.